Proposition de Loi PRG : Guerre des chiffres autour des irradiés

Publié le par Le Point - Le Nouvel Obs

L'annonce par le ministre de la Défense Hervé Morin de l'indemnisation prochaine des victimes d'irradiation dont le préjudice aura été reconnu déclenche un début de guerre des chiffres entre le ministère et les associations de défense des victimes. Tout d'abord, rappelons que le chiffre de 100.000 personnes concerne les Français ayant travaillé sur les sites sahariens et polynésiens, et en aucun cas le nombre de personnes susceptibles de pouvoir prétendre à des indemnisations. Combien sont ces dernières ? Très peu nombreuses... Pour Hervé Morin, qui s'est prononcé dans ces termes ce jeudi matin dans un discours à l'Assemblée nationale, "l'État veut poser le principe d'un droit à l'indemnisation des victimes, mais il ne peut le poser que pour les seules victimes des expositions lors des essais". Pour le ministre, il conviendrait de situer ce seuil à 50 millisevert (mSv) correspondant à la "limite annuelle d'exposition des professionnels du nucléaire à l'époque des essais" et au niveau à partir duquel les autorités françaises envisagent aujourd'hui l'évacuation des populations civiles. C'est par exemple le seuil annuel que les autorités canadiennes considèrent comme admissible . Selon des chiffres du ministère de la Défense, 102 personnes auraient reçu des doses supérieures à 50 mSv lors des essais dans le Sahara, et 9 lors de ceux qui se sont déroulés au centre d'essai du Pacifique. En bonne arithmétique, cela fait 109 personnes. De même source, on considère que les personnes "surveillées", à savoir équipées de dosimètres durant leur période de présence sur les sites, ont été au nombre de 59.153, dont 17.747 au Sahara et 41.406 en Polynésie. À ce jour, plus de 350 personnes ont engagé des procédures judiciaires d'indemnisation. Hervé Morin a annoncé que l'État n'irait plus en appel quand il est condamné par le tribunal. Près de 2.000 personnes pourraient être concernées (expert) Bruno Barrillot, expert de l'association polynésienne Moruroa e Tatou, proche de l'actuel président de l'Assemblée de Polynésie Oscar Temaru , n'est pas du tout de cet avis. À ces yeux, ce n'est pas une dose de 50 mSv qu'il faut retenir, mais un seul et unique mSv, conforme aux normes actuelles de Commission internationale de protection radiologique . Citant les chiffres produits dans l'ouvrage La Dimension radiologique des essais nucléaires en Polynésie , Bruno Barrillot rappelle pour sa part que 1.930 cas de personnes ayant reçu des doses supérieures à 1 mSv seraient susceptibles d'être indemnisées, si les critères dont il réclame l'application étaient observés. Barrillot conteste également, sur le fond, la volonté du gouvernement de ne prendre en considération que les cas des seules personnes directement exposées, et donc dotées de dosimètres. Alors que d'autres personnes se trouvant sur les lieux n'étaient pas équipées : "Pas de dosimétrie, cela signifie : pas d'indemnisation pour les leucémiques, les cancéreux et autres cardiaques qui ont travaillé à Moruroa." Ce matin à l'Assemblée nationale, la majorité a rejeté la proposition de loi présentée par Christiane Taubira (PRG) sur la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes d'essais nucléaires. Le ministre de la Défense Hervé Morin a confirmé son désir de présenter un texte "avant la fin janvier", et proposé que "majorité et opposition soient associées à un groupe de travail qui finalisera le texte". Pierre Lellouche (UMP) a réclamé "un droit à l'indemnisation pour toute personne ayant résidé à proximité des centres d'expérimentation en Algérie et en Polynésie", durant les périodes d'essais nucléaires sur ces deux sites.

Les députés ont rejeté jeudi une proposition de loi de Christiane Taubira sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires en attendant le texte promis par le gouvernement sur le même sujet.

L'Assemblée n'est pas passée à l'examen des six articles du texte de la députée PRG de Guyane, cosigné par l'ensemble du groupe socialiste, après la confirmation par le ministre de la Défense Hervé Morin de sa volonté de légiférer avant la fin du premier trimestre 2009.

Désireux de rédiger un texte consensuel, Hervé Morin a proposé de réunir des députés de la majorité et de l'opposition dans un groupe de travail qui finalisera ce projet de loi. Ce groupe se réunira "avant la fin de l'année" afin que le texte puisse être présenté "au plus tard fin janvier" en conseil des ministres.

La proposition de loi de Christiane Taubira posait le principe d'une indemnisation intégrale des personnes, civiles ou militaires, contaminées par les essais nucléaires français ou à la suite d'un accident nucléaire. L'armée française a procédé à 210 essais nucléaires entre 1960 et 1996, d'abord au Sahara (1960-1966), puis en Polynésie française (1966-1996). Le nombre de victimes, qui n'a jamais été établi, pourrait s'élever à plusieurs milliers.

Le texte proposait de créer un "fonds d'indemnisation des victimes des essais et des accidents nucléaires", sur le modèle de celui qui existe pour l'amiante. Il établissait aussi le principe d'un lien de causalité entre les maladies dont souffrent les victimes (cancers principalement) et les essais.

Tout en adhérant à la démarche de Christiane Taubira, Hervé Morin a jugé "inadaptée" cette proposition de loi "au contenu très général et ne reposant pas sur des études scientifiques approfondies". Il a notamment estimé que l'établissement d'un lien de causalité "n'est pas le rôle du législateur" et conduirait à indemniser des personnes qui n'ont pas été exposées aux essais nucléaires.

Le ministre a confirmé sa volonté de poser "un droit à l'indemnisation juste pour les éventuelles victimes des essais nucléaires". Il a précisé qu'une étude d'impact avait été lancée pour "évaluer le nombre potentiel des personnes réellement concernées".

Publié dans Vie du Parti

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