Pascal FERCHAUD : "je dois vous avouer que je ne voudrais pas être à votre place"
Pascal Ferchaud a pris la parole au nom des Radicaux de gauche du Conseil général de la Charente-Maritime lors de l'ouverture de la session d'hiver où est discuté le budget départemental pour 2013. Une petite phrase introductive à son discours a accroché l'intérêt de la presse. L'analyse critique et les préconisations avisées du Conseiller général de Saujon portent cependant moins des ambitions personnelles qu'elles ne portent sur l'intérêt général :
« Monsieur le Président, mes chers Collègues, Mesdames et Messieurs,
Aujourd’hui, je dois vous avouer que je ne voudrais pas être à votre place ! Je ne voudrais pas y être pour deux raisons.
Le contexte actuel, d’abord, et la difficulté de boucler un budget dans ces circonstances. Le groupe des Radicaux de gauche au nom desquels je m’exprime en est parfaitement conscient. Le contexte est particulièrement difficile. Nous pourrions chercher des causes et les responsables. C’est la faute de "l’Etat de gauche" et sa manière d’avoir géré la question de l’APA. C’est la faute de "l’Etat de droite" et sa manière d’avoir géré la question du RSA. Nous pourrions nous livrer à ce petit jeu qui rejette la faute sur l’autre. Le groupe que je représente ce matin s’y refuse. Examinons de façon responsable la situation et cherchons des solutions. Force est de constater qu’en période de crise les recettes diminuent et que les dépenses, en particulier les dépenses sociales, augmentent. Le nier serait irresponsable et nous voulons faire preuve de responsabilité.
Je ne voudrais pas non plus aujourd’hui être à votre place et imposer une nouvelle pression fiscale sur les ménages de Charente-Maritime. Je ne l'aurais pas fait. Je vous en explique les raisons. Une pression supplémentaire de l’ordre de 10 % si l’on ajoute à la revalorisation forfaitaire des 1,8 % les 8%, 7,99 pour être précis, d’augmentation des taux que vous nous proposez. Je tiens à être précis car je constate que les documents budgétaires soumis à notre examen commettent parfois des confusions entre taux, point et pourcentage. Vous n’êtes pas professeur de mathématiques, certes, mais l’agrégé d’économie et de gestion que je suis tient à rétablir la vérité des chiffres qui a surtout une incidence comptable très forte sur les ménages. Et j’aurais aussi pu ajouter dans ce calcul l’augmentation de 2,2 % des bases dont je ne tiens pas compte dans mon propos actuel mais qui pèsera également sur les ménages. Le pouvoir d’achat des ménages, tout le monde le sait, stagne, voire diminue. Le nombre de chômeurs ne cesse d’augmenter. Dans ces conditions, il paraît indécent d’infliger une telle augmentation à nos compatriotes qui sont de plus en plus nombreux à souffrir, que ce soit dans nos villes ou dans nos campagnes. Il suffit d’être sensible au nombre croissant de concitoyens qui fréquentent nos CCAS, ou encore au nombre croissant de demandes d’emploi que nous recevons dans nos mairies – j’en reçois personnellement cinq par jour, soit 1 500 par an !
Alors, vous allez me dire, et si vous étiez à ma place, que feriez-vous ?! Ce serait une très bonne question. Car que je me suis moi-même trouvé en 2001 dans une situation analogue en reprenant une des communes les plus endettées de la région Poitou-Charentes et avec des dépenses en augmentation, en particulier celles liées aux charges et à la dette. Si l’on établit une comparaison avec le budget primitif du Conseil général de la Charente-Maritime que nous discutons, le remboursement de la dette, y compris l’option de tirage sur ligne de trésorerie, va passer de 101 millions à 125 millions d’euros, soit 24 millions supplémentaires ! Quant à la gestion active de la dette, nous nous interrogeons sur vos chiffres compte tenu de la raréfaction de l’offre de crédit et d’une ligne de trésorerie passée de 55 millions d’euros en 2010 à 17 millions en 2012. Devant une telle situation, et considérant une pression fiscale déjà forte, il faudrait, comme je l’ai décidé en tant que premier magistrat de Saujon, revoir à la baisse pratiquement toutes les dépenses de fonctionnement. J’entends celles qui ne relèvent pas des compétences obligatoires du Département. Il faudrait également annuler ou reporter certains projets. La situation que j’ai connue en 2001 dans ma commune est aujourd’hui celle de notre département. En pratiquant ce que je préconise, j’ai pu redresser la situation budgétaire mais, surtout, des projets d’envergure sont désormais rendus possibles. Concentrons-nous donc sur nos dépenses obligatoires et ne conservons des compétences facultatives que les dépenses qui auraient pour effet positif d’agir comme un levier sur l’économie et l’emploi à l’échelle du département. Les travaux à réaliser dans les écoles, mobilisant les TPE et PME, formulent un exemple. Il y en a d’autres. Mais soyons clairs ! Aujourd’hui, la menace qui nous guette, c’est le désespoir et la misère des plus démunis ; désespoir et misère le plus souvent consécutifs à la perte d’un emploi. Or, la finalité première d’un Conseil général, c’est la solidarité. Les dépenses sociales représentent à peu près la moitié de notre budget et elles ne cessent d’augmenter. Mais cette solidarité doit être équitable. Elle doit s’exercer entre les villes et les campagnes à l’image des péréquations que le Département doit pratiquer. Sur ce point, nous demandons depuis longtemps un barème de répartition plus juste et non pas seulement fondé sur un critère arbitraire que vous avez mis en place, c’est-à-dire le seuil fatidique des 5 000 habitants au-dessus duquel les subventions sont interdites. Il existe des clés, et celle que vous utilisez pour le calcul du Fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle, combinant le potentiel fiscal et l’effort fiscal, va dans le bon sens, celui que nous ne cessons de défendre dans cette assemblée, à savoir vers une plus grande équité. Cette cohérence et ce bon sens qui auraient pour unique souci une plus grande justice, sont malheureusement occultés par les effets de seuil que vous avez imposés alors que les critères utilisés pour le calcul du Fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle sont précisément ceux que nous vous proposons depuis longtemps.
Dans le contexte actuel, il me paraît également opportun de nous interroger sur de grands investissements dont l’impact sur l’emploi en Charente-Maritime est réduit. Certes, il existe des "coups partis", l’A831 par exemple. Mais nous avons devant nous de très lourds investissements qui vont encore lourdement plomber nos finances départementales. C’est également le cas pour la LGV. Alors, Monsieur le Président, quelles sont vos priorités ?! Quelle est votre vision globale pour le département ?! Ne vaut-il pas mieux des liaisons cadencées en TER autour de l’étoile de Saintes ? quid de l’axe structurant Nantes-Bordeaux qui relie quatre de nos cinq arrondissements ? Quid aussi de l’aéroport de Saint-Agnant ! Doit-on avoir deux aéroports en Charente-Maritime ?
Voilà quelques-unes des questions fondamentales auxquelles il va nous falloir répondre Monsieur le Président car nous devons indexer nos objectifs à nos moyens, chercher l’efficience, et surtout le faire sans aller au-delà des moyens des habitants de la Charente-Maritime ! C’est le message que le groupe des Radicaux de gauche du Conseil général, que je représente, souhaite vous faire passer. »