Effectifs de la Fonction publique : un autre regard

Publié le par Fédération PRG de Charente-Maritime

Anne-Marie ESCOFFIER, Sénatrice de l'Aveyron, est intervenue au Sénat mercredi 25 novembre dans le débat budgétaire sur *les effectifs de la fonction publique*.

Voici le texte de son intervention :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en abordant aujourd'hui le débat sur les effectifs de la fonction publique, je voudrais écarter la vieille et éternelle querelle entre ceux qui pensent qu'il faut de moins en moins d'État et ceux qui en réclament au contraire davantage, entre ceux qui affirment systématiquement qu'il y a trop de fonctionnaires et ceux qui, de façon tout aussi systématique, estiment qu'il n'y en a jamais assez.

Je veux me placer cet après-midi dans le cadre d'une application rationnelle et raisonnable de la révision générale des politiques publiques, dont personne ne saurait nier le bien-fondé : à l'heure des grandes mutations géopolitiques, économiques, sociétales, il revenait assurément à l'État de trouver les voies d'une réorganisation de son fonctionnement.

Il en a arrêté les principes et il s'attache, aujourd'hui, à les mettre en ouvre.

Si la fonction publique correspond à un ensemble de structures, d'administrations réparties à différents niveaux pour divers domaines, elle ne vaut que par les personnels qui la composent - fonctionnaires et contractuels -, et je tiens à saluer, une nouvelle fois, la qualité, la compétence et le dévouement au service public de la très grande majorité
d'entre eux.

Il est, dès lors, exclu d'aborder la question des effectifs de la fonction publique uniquement en termes quantitatifs.
Derrière les sigles « ETP » et « ETPT », derrière les notions de performance, de management et d'efficience, se trouvent des hommes et des femmes dont la dignité doit être respectée.

M. Éric Woerth, ministre. La dignité, c'est l'efficacité au travail !

*Mme Anne-Marie Escoffier. *Voilà pourquoi, monsieur le ministre, l'affirmation, moult fois reprise, selon laquelle seul un fonctionnaire sur deux partant à la retraite sera remplacé, est une formule tout à la fois brutale, symptomatique d'une méconnaissance de la diversité des administrations dans leur fonctionnement et leurs contraintes, et
provocatrice, véhiculant une image négative du fonctionnaire.

Loin de moi l'idée de nier la nécessité absolue de mettre en concordance les charges réelles des services avec la disponibilité des agents, de refuser les gains d'efficacité permis par l'évolution des techniques informatiques, de méconnaître les avantages des gestions intégrées.

Monsieur le ministre, je veux voir dans le budget que vous proposez la prise en compte réfléchie des stratégies menées, au niveau global et dans chaque administration en particulier, en termes de gestion des ressources humaines. Je pense aux dispositions de la loi du 3 août dernier relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, à la réorganisation réussie de votre propre administration, avec la création de la direction générale des finances publiques, à la mutualisation des fonctions supports, conséquence opportune de la mise en ouvre de la LOLF.

Malgré tout, de l'autre côté du miroir, se cachent tous ces transferts de compétences chichement compensés auprès des collectivités locales.

Ces créations d'emplois trop mesurées pour répondre aux engagements pris, notamment à l'égard de l'administration
pénitentiaire, ces réductions d'effectifs dans des administrations telles que l'éducation nationale où le critère qualitatif l'emporte sur le critère quantitatif.

Dans ce contexte, je partage tant avec les élus qu'avec les personnels de la fonction publique eux-mêmes la crainte de voir cette détermination avancer à marche forcée vers une régulation budgétaire « technocratique », sourde aux inquiétudes des personnels.

Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple des graves dysfonctionnements constatés dans les services des cartes grises des préfectures, qui sont aujourd'hui embouteillés par un retard de fabrication des titres. Au-delà du mécontentement du public, il convient de noter le stress des agents qui se trouvent dans l'incapacité de répondre dans des délais normaux à la mission qui leur est impartie.

Sans être alarmiste, j'entends l'inquiétude des personnels face aux réorganisations qui leur sont proposées, quand elles ne leurs sont pas imposées.

Certes, la fonction publique n'est pas confrontée aux mêmes drames que ceux qui ont récemment frappé les agents de France télécom, mais il convient d'être vigilants, de tout mettre en ouvre pour accompagner les grandes vagues de réforme, de ne négliger aucun moyen pour maintenir, voire rétablir, le contact entre l'administration et ses personnels.

Chacun sait ici que la gestion des ressources humaines ne peut pas se réduire à instiller, distinctement, une dose de gestion des carrières, une dose de formation et une dose d'action sociale : elle doit au contraire se caractériser par un mélange homogène et harmonieux de ces trois « denrées ».

Comment alors, monsieur le ministre, ne pas attirer votre attention sur cette « décrue » des effectifs ? Elle accompagne une perte de savoir-faire et de mémoire que ne pourra conjurer le recrutement inéluctable de
fonctionnaires à court ou moyen terme pour retrouver un équilibre démographique en rapport avec les missions de l'État.

Notre vigilance, vous l'aurez compris, sera alors le garant de l'excellence des services publics ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

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