Fichage des allocataires : "Une offensive idéologique méthodique de l'aile dure de l'UMP"

Publié le par Fédération PRG de Charente-Maritime

affiche primaire J-M Baylet

Tribune de J-M Baylet dans LeMonde.fr  / ou lesprimairescitoyennes.fr

 

Jamais à court de provocation quand il s’agit de stigmatiser plus pauvres, l’UMP vient de proposer la création d’un fichier central des allocataires sociaux.

 

L’objectif est louable : il s’agit de lutter contre la fraude. Le remède, en revanche, est disproportionné : la création d’un fichier d’Etat regroupant l’ensemble des allocataires sociaux, soit 15 millions de Français, si l’on inclut les titulaires de minima sociaux, les chômeurs, les adultes handicapés et les bénéficiaires d’allocations familiales, ainsi que tous les Français qui emploient un salarié à domicile. Celui-ci viendra s’ajouter aux 44 fichiers de police qui ont déjà été créés depuis 2007, et sera probablement le plus colossal puisque chaque Français pourra y être inscrit avec toutes les conséquences que nous pouvons redouter.

 

Coup médiatique ou tentative de passage en force au cœur de l’été ? A entendre M. Mariani, on aurait pu se dire qu’il s’agit d’une nouvelle polémique estivale destinée à séduire les électeurs du Front national. Mais la réaction immédiate de M. Bertrand est sans ambiguïté : il s’agit bien d’une volonté gouvernementale et le fichier sera opérationnel d’ici à la fin de l’année !

 

C’est aller vite en besogne lorsqu’on sait que la constitutionnalité d’un tel fichier est douteuse. Ce fichier conduirait en effet à croiser les fichiers existants détenus par l’Etat, par les différentes caisses de sécurité sociale ainsi que par les collectivités locales qui gèrent les allocataires sociaux. Or la CNIL a plusieurs fois réaffirmé dans son rapport annuel et ses délibérations qu’un tel croisement n’était pas possible juridiquement parce qu’il permettrait à n’importe quelle administration d’obtenir des informations protégées auxquelles la loi interdit d’avoir accès.

 

Le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel ne manqueront pas d’annuler ce fichier au nom de l’atteinte aux libertés publiques : une mesure de police, car c’en est une, doit être proportionnée à l’objectif qu’elle recherche. Les administrations peuvent s’échanger des informations sous le contrôle du juge, comme c’est le cas actuellement, mais elles n’ont pas le droit de constituer un fichier général commun, a fortiori s’il porte sur plusieurs millions de personnes.

 

Alors pourquoi une telle proposition ? M. Bertrand en fait un objectif de réduction des déficits publics. Le gouvernement croit-il sérieusement que c’est en fichant les allocataires sociaux qu’il va résorber les déficits abyssaux qu’il lègue à la France ? La fraude aux prestations sociales (indemnités d’arrêts maladie, allocations familiales, RSA, etc.) représenterait entre 2 et 3 milliards d’euros selon le rapport du député UMP Dominique Tian. Mais le même rapport évalue entre 8 et 15,8 milliards d’euros le manque à gagner lié à la fraude aux prélèvements sur les cotisations patronales et salariales. Cette fraude aux cotisations représente cinq fois l’équivalent de la fraude aux prestations !

 

La véritable intention du gouvernement dans cette affaire n’est pas de lutter contre les déficits mais de légitimer dans l’opinion l’idée d’un contrôle social renforcé et d’un fichage généralisé de la société. Les républicains ne doivent pas s’y tromper : il ne s’agit en rien d’une vulgire opération de communication mais bien d’une offensive idéologique méthodique, menée par l’aile dure de l’UMP sur des idées qui furent celles du FN, et qui conduit du fichage des enfants délinquants au le fichier Edvige, en passant par les tests ADN.

 

L’objectif est de réhabiliter une vision réactionnaire de la société fondée sur le contrôle social des individus.

 

Il est temps que les partisans des grandes libertés publiques qui ont fait la France se réveillent et prennent position plus vigoureusement qu’ils ne le font aujourd’hui pour défendre l’héritage républicain de nos libertés. L’alternance en 2012 sera à ce prix car la bataille de l’opinion est loin d’être gagnée.

 

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