Anne-Marie ESCOFFIER, Sénatrice de l'Aveyron, est intervenue dans la discussion des propositions de loi relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des CA

Publié le par Fédération PRG de Charente-Maritime

anne-marie-escoffier2.jpg

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui fait partie de ces textes dont on ne peut que se féliciter tout en pensant que le bon sens aurait voulu que l'on puisse s'en passer !

Car enfin, n'avons-nous pas encore atteint un degré de maturité permettant de dépasser les blocages, parfois les poncifs, qui opposent les femmes aux hommes ?

 

Il est loin, ou presque, le temps où, sur ces travées, chères collègues, nous nous comptions sur les doigts d'une main, comme c'était le cas, par exemple, au début de la Ve République, lorsque cinq femmes seulement siégeaient dans cet hémicycle. Tout au contraire, il nous faut saluer ici la courtoisie de nos collègues hommes, qui nous laissent développer, parfois abondamment, nos idées et nos argumentations. (Sourires.)

 

Je voudrais aussi tordre le cou à ces idées toutes faites qui font de nous, les femmes, des êtres plus intuitifs, plus sensibles que les hommes, des personnes plus généreuses, faisant une meilleure part à la collégialité, plus indépendantes dans leurs jugements. Je veux croire que ces qualités sont équitablement partagées entre les femmes et les hommes et que, ensemble – et seulement ensemble –, ils peuvent tendre vers l'harmonie.

Ne relève-t-on pas d'ailleurs, dès maintenant, des dysfonctionnements lorsque cet équilibre est rompu ? Ne faudrait-il pas réfléchir en termes de parité dans certains secteurs professionnels : l'éducation nationale, la magistrature, la médecine, par exemple ? Les seuls critères qui me paraissent véritablement opérants sont la compétence, le talent, la richesse des expériences et des parcours professionnels. Sur ce point, je crois que nous sommes toutes et tous d'accord.

Il n'en demeure pas moins, pourtant, que notre éducation, nos comportements sociaux, nos habitudes peuvent être des obstacles pour certaines femmes, les empêchant de s'impliquer dans des fonctions de responsabilité et d'accepter d'assumer des charges d'autorité.

À cet égard, cette proposition de loi vient opportunément jouer un rôle d'aiguillon. Elle incitera les femmes à s'engager plus avant et elle invitera les hommes à leur laisser, à compétences égales, un espace de responsabilités plus large.

Cela étant, cette proposition de loi issue de l'Assemblée nationale est plus restrictive que celle qu'ont présentée les membres du groupe socialiste, qui avaient souhaité prévoir des règles de cumul et d'incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes.

Je me rends aux raisons invoquées par Mme le rapporteur de la commission des lois dans son excellente intervention pour viser, au-delà des sociétés cotées qui font appel public à l'épargne, les sociétés employant au moins 500 salariés et présentant un chiffre d'affaires ou un total de bilan de plus de 50 millions d'euros.

Si ces critères, constitutifs d'un seuil pertinent, ne sont pas ceux qui avaient été retenus dans la proposition de loi de l'Assemblée nationale ou dans la proposition de loi du groupe socialiste du Sénat, ils recueillent néanmoins l'accord du plus grand nombre, en particulier celui de l'Autorité des marchés financiers.

Reste le problème des proportions d'hommes et de femmes devant être respectées au sein des conseils d'administration et de surveillance de ces sociétés. L'application dogmatique du principe de parité à la représentation des uns et des autres aurait voulu que l'on impose une proportion de 50 % pour chaque sexe. C'eût été certes mathématiquement équitable, mais irréaliste. La solution retenue a l'avantage de permettre de tendre progressivement vers l'objectif de parité, sans que celui-ci devienne contraignant. Obliger par exemple les entreprises à remplacer systématiquement un homme par un homme et une femme par une femme serait méconnaître les modalités pratiques de fonctionnement d'une entreprise.

Pour cette même raison, le texte présenté écarte également à juste titre la possibilité de pénaliser le fonctionnement de l'entreprise si le taux de 40 % au moins d'administrateurs de chaque sexe au sein du conseil n'a pu être atteint, en prévoyant que la nullité des nominations intervenues en violation de ce principe n'entraînerait pas celle des délibérations auxquelles auront pris part les administrateurs irrégulièrement nommés.

La proposition de loi doit avoir pour effet, sans donc entraver le fonctionnement des entreprises, de faire entrer dans une mesure significative des femmes dans les conseils d'administration et de surveillance. Elles y ont toute leur place, et l'appel à toutes les compétences est aussi un gage d'efficacité économique, surtout à un moment où tous nos efforts doivent tendre vers le développement économique de nos entreprises, sur le marché intérieur comme à l'exportation.

L'objectif visé au travers de ce texte répond donc à l'intérêt général, et les acteurs économiques eux-mêmes en ont conscience. Le dispositif est porteur d'un réel progrès et il nous semble globalement équilibré. En outre, il traduit la volonté de conforter le principe d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, dont le respect constitue tout à la fois une obligation morale et un impératif de justice et de cohésion sociale, en somme un enjeu de société, auquel notre assemblée ne peut et ne doit pas rester indifférente.

Si les femmes représentent près de la moitié de la population active, leur représentation diminue cruellement à mesure que l'on s'élève dans la hiérarchie sociale, en dépit des efforts qu'elles déploient souvent et de ceux que consentent leurs employeurs pour faciliter leur promotion et garantir l'équité de cette promotion.

En revanche, elles sont surreprésentées dans les emplois peu qualifiés et donc peu rémunérés. Les écarts de salaire entre les hommes et les femmes sont de l'ordre de 20 %. Au-delà des inégalités en termes d'accès aux métiers et aux promotions, on assiste à une précarisation parfois très grave des conditions de travail des femmes, au mépris du principe d'égalité de traitement pour des fonctions comparables.

Je ne reviendrai pas sur les raisons qui expliquent de telles situations, car ce débat n'a pas sa place ici, mais je me réjouis que la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise prévoie, à son article 6, l'obligation, pour les conseils d'administration et les conseils de surveillance, de délibérer une fois par an sur la politique de la société en matière d'égalité professionnelle et salariale, ainsi que de conditions d'emploi et de formation des hommes et des femmes dans l'entreprise. Instaurer une telle obligation ne pourra que faciliter la prise de conscience par chacun des acteurs de l'entreprise de la place et du rôle que peuvent tenir les femmes et les hommes à raison de leurs compétences et de leurs talents.

Pour toutes ces raisons, et même s'il est conscient que ce texte mérite d'être encore amendé et enrichi, le groupe du RDSE, dont je me fais ici le porte-parole, votera sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements.)

Publié dans Actualités

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article